TUMEURS ET PSEUDO-TUMEURS RARES DU PANCREAS(1) :
Il existe plusieurs classifications des tumeurs pancréatiques(2), dont le nombre et la complexité (tableau 1) reflètent la variété histologique du pancréas: 4 tissus entremêlés (épithélium acineux, îlots endocrines, tissu conjonctifs et canaux) dont il n’est pas toujours facile de déterminer l’origine première d’une tumeur. La notion de rareté est difficile à préciser (certaines tumeurs “rares” étant plus fréquentes que d’autres), mais nous entendons par “rare” les tumeurs qui ne sont ni un adénocarcinome, ni une tumeur endocrine, ni une métastase, ni un cystadénome séreux, ni une lésion mucineuse. Les granulomatoses (tuberculose et sarcoïdose) et les pseudo-tumeurs inflammatoires peuvent aussi présenter un aspect “pseudo-tumoral”.
Tableau 1: Liste non exhaustive de tumeurs et pseudo-tumeurs du pancréas :
Tumeurs épithéliales
Tumeurs canalaires : adénocarcinome canalaire (carcinome mucineux, carcinome adénosquameux)
Carcinome à cellules géantes ou pléiomorphe
Carcinome à cellules ostéoclastiques
Cystadénome cystadénocarcinome mucineux
Tumeurs intracanalaires papillaires et mucineuses
Tumeurs d’origine acineuse
Adénome acineux
Carcinome et cystadénocarcinome acineux
Pancréatoblastome
Tumeurs d’origine centro-acineuse
Cystadénome et cystadénocarcinome séreux
Tumeur kystique et papillaire
Tumeurs mésenchymateuses
Lymphangiome, angiome, hémangio-endothéliome
Schwannome, tumeur fibreuse solitaire, GIST
Tumeur adénomatoïde, tumeur à cellules claires, hamartome
Sarcome, histiocytome malin, sarcome d’Ewing
Tumeur primitive neuro-ectodermique
Tumeurs dysembryoplasiques
Kyste dermoïde
Kyste lympho-épithélial
Tumeurs secondaires
hypernéphrome, mélanome, cancer bronchique, tumeur urothéliale et prostatique, gliome malin, adénocarcinome colorectal, tumeur ovarienne
Lymphopathies et hémopathies
Lymphome non hodgkinien
Maladie de Castelman
Maladie de Hodgkin
Myélome
Lésions infectieuses
Kyste hydatique
Tuberculose
Pseudo-tumeurs
Pseudo-tumeur inflammatoire
Pancréatite pseudo-tumorale
Même si la plupart de ces tumeurs ont une présentation radiologique totalement aspécifique, certains éléments sémiologiques permettent pour certaines d’entre elles d’envisager un diagnostic ou une gamme diagnostique.
Sans être exhaustif, voici quelques exemples de tumeurs rares en présentant quelques gammes diagnostiques en fonction de circonstances épidémiologiques et de signes radiologiques inhabituels.
AGE ET SEXE:
Les tumeurs du pancréas surviennent classiquement chez le sujet âgé. La découverte d’une tumeur pancréatique chez un sujet jeune doit faire envisager d’autres diagnostics (tableau 2).
Tableau 2: Tumeurs rares les plus fréquentes en fonction de l’âge et du sexe :
Enfant
Pseudo-kyste post traumatique
Lymphangiome kystique
Angiome
Pancréatoblastome
Tumeur solide et papillaire
Tumeur endocrine
Femme de 20 ans
Tumeur solide et papillaire
Adulte jeune
Tumeur endocrine
Tumeur solide et papillaire
Tumeur acinaire
Pancréatoblastome
ASPECT RADIOLOGIQUE INHABITUEL:
L’aspect classique de l’adénocarcinome exocrine est celui d’une tumeur généralement de petite taille, infiltrante, hypoéchogène, hypodense ou hypointense (séquence T1 avec suppression de la graisse), moins réhaussée que le parenchyme pancréatique normal et s’accompagnant volontiers d’une dilatation canalaire (tumeur à point de départ canalaire).
Toute tumeur solide dont l‘aspect n’est pas conforme à cette description devra faire évoquer une pathologie rare.
Les signes d’alerte devant faire suspecter une tumeur rare sont donc : une taille volumineuse, la présence de calcifications, une prise de contraste, une structure particulière, l’absence de dilatation canalaire et des signes associés extra-pancrétiques.
TAILLE TUMORALE:
La découverte d’une volumineuse tumeur devra faire remettre en question le diagnostic d’adénocarcinome, tout comme la mise en évidence d’une capsule qui signe une croissance lente et une malignité atténuée.
Ainsi devra-t-on évoquer : une tumeur endocrine non fonctionnelle, une tumeur solide et papillaire (chez la femme jeune), une tumeur acinaire, un pancréatoblastome, un carcinome ostéoclastique à cellules géantes.
CALCIFICATIONS:
Classiquement l’adénocarcinome ne se calcifie pas. L’adénocarcinome compliquant une pancréatite chronique écarte le plus souvent les calcifications de la pancréatite sans les englober.
Des calcifications tumorales sont le signe d’une croissance lente et traduisent des phénomènes inflammatoires péri-tumoraux.
Il existe 3 types de calcifications tumorales:
- des calcifications intratumorales de petite taille, nodulaires, en grain de riz: elles sont l’apanage du cystadénome séreux microkystique, des tumeurs endocrines et plus rarement du lymphangiome kystique
- des calcifications pariétales linéaires, fines, en coquille d’oeuf : rencontrées dans les tumeurs kystiques mucineuses, le pseudo-kyste ou l’hématome
- des calcifications périphériques irrégulières, épaisses : il faut penser à la tumeur acinaire, la tumeur solide et papillaire, le kyste hydatique
VASCULARISATION:
L’adénocarcinome n’est que peu réhaussé par le contraste, moins que le parenchyme normal et la présence d’une prise de contraste franche est un élément sémiologique contre ce diagnostic.
Les tumeurs endocrines sont les tumeurs hypervasculaires les plus fréquentes et les plus connues, mais il existe d’autres diagnostics à envisager devant une tumeur hypervasculaire (tableau 3).
Tableau 3: Tumeurs et pseudo-tumeurs pancréatiques hypervasculaires :
Temps artériel
Tumeur endocrine
Métastase d’hypernéphrome
Angiome
Rate intrapancréatique
Maladie de Castleman
Temps portal
Tumeur endocrine
Tumeur acinaire
Angiome
Rate intrapancréatique
Sarcome
Temps tardif
Tumeur endocrine
Tumeur acinaire
Angiome
Rate intrapancréatique
Sarcome
STRUCTURE:
La TDM et l’IRM permettent parfois de détecter des contenus particuliers (sang, graisse, liquide épais, nécrose) qui peuvent faire évoquer des tumeurs rares (tableau 4).
Tableau 4: Tumeurs pancréatiques en fonction de leur contenu :
Sang (densité spontané >50UH au scanner, hypersignal T1/hypersignal FatSat en IRM)
Tumeur solide et papillaire
Kyste de pancréatite hémorragique
Carcinome ostéoclastique à cellules géantes
Graisse (densité spontané < -100UH au scanner, hypersignal T1/hyposignal FatSat en IRM)
Lipome
Liposarcome
Angiomyolipome
Liquide épais
Kyste dermoïde (paroi épaisse, grosses calcifications intralésionnelles)
Kyste lympho-épithélial
Kyste hydatique
Tuberculose
Nécrose
Tumeur endocrine non fonctionnelle
Pancréatoblastome
Tumeur solide et papillaire
Tumeur acinaire
Carcinome ostéoclastique à cellules géantes
Hémangiopéricytome
Sarcome
DILATATION CANALAIRE :
L’absence de dilatation canalaire doit faire envisager une tumeur rare d’origine extracanalaire. Mais il faut garder à l’esprit qu’une volumineuse tumeur peut entraîner une compression extrinsèque du canal pancréatique et le dilater.
SIGNES EXTRAPANCREATIQUES :
L’association à des adénopathies et/ou une splénomégalie doit faire évoquer un lymphome.
Références bibliographiques :
1. Agostini S. Tumeurs et pseudo-tumeurs très rares du pancréas. In: Imagerie de l’abdomen. Paris: Vilgrain V, Regent D.; 2010 p. 425-435.
2. OMS. Classification des tumeurs. http: //www.who.int/publications/fr/.
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