Imagerie du pancréas

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LESIONS KYSTIQUES DU PANCREAS :

 

Les lésions kystiques du pancréas regroupent une grande variété de lésions, tumorales ou non, de plus en plus diagnostiquées en raison des progrès récents de l’imagerie et notamment de l’imagerie en coupe (scanner et IRM). Quel que soit leur circonstance de découverte, elles constituent un véritable défi diagnostic radiologique du fait de fréquentes zones de chevauchement morphologique des différentes formes bénignes et malignes. Une fois l’origine intrapancréatique retenue, la 1ère étape de l’interprétation consiste à éliminer le diagnostic de pseudo-kyste.
L’imagerie devra par la suite tenter de distinguer les lésions bénignes, des lésions à potentiel de malignité ou malignes pour lesquelles une prise en charge diagnostique et thérapeutique plus invasive sera engagée. L’échoendoscopie, avec ponction du liquide pour analyse biochimique et cytologique, intervient en 2ème ligne, lorsque l’aspect morphologique n’est pas complètement typique, et permet d’apporter des éléments en faveur d’une lésion mucineuse.
Il est essentiel de souligner l’importance fondamentale du contexte clinique qui doit être constamment pris en compte autant dans l’algorithme de prise en charge diagnostique que dans la décision thérapeutique.

De nombreuses classifications ont été proposées, dérivées de la classification histologique de l’OMS. On distingue classiquement(1; 2) :

-       les tumeurs kystiques pancréatiques :

  • épithéliales : cystadénome séreux, cystadénome mucineux, cystadénocarcinome, tumeur pseudo-papillaire et solide, tératome mature (kyste dermoïde), tumeur à cellules géantes, adénocarcinome mucineux kystique, pancréatoblastome ;
  • non épithéliales : tumeur endocrine kystique, lymphangiome kystique, hémangiopéricytome, hémangio-endothéliome, schwannome pancréatique, métastases kystiques, lymphome pancréatique primitif, léiomyosarcome primitif du pancréas ;

 

Les cystadénomes séreux et mucineux (bénins et malins) représentent, avec les TIPMP, 90% de l’ensemble des tumeurs kystiques pancréatiques.

Les tumeurs kystiques mucineuses (cystadénomes mucineux et TIPMP), à potentiel de dégénérescence, concernent 30 à 55% des lésions kystiques asymptomatiques découvertes fortuitement à l’imagerie.

 

-       les lésions kystiques pancréatiques non tumorales :

  • kystes épithéliaux : kyste lymphoépithélial, kyste congénital unique, kystes congénitaux multiples, kyste entérogène pancréatique, fibrose kystique, dystrophie kystique sur pancréas aberrant, kyste rétentionnel ;
  • kystes non épithéliaux : pseudo-kyste, abcès pancréatique, kyste hydatique

 

 

COMMENT RETENIR L’ORIGINE PANCREATIQUE D’UNE LESION KYSTIQUE ?(2)

Avant d’affirmer l’origine pancréatique d’une lésion kystique, il faut éliminer l’éventualité d’une compression extrinsèque par une lésion intra ou rétropéritonéale.
Deux signes sémiologiques analysant la lésion et son environnement de surface sont fondamentaux pour en déterminer son origine :

-       le signe de l ‘éperon : prolongement de parenchyme pancréatique sain se raccordant progressivement avec la lésion réalisant la forme d’un « bec » ou d’un « éperon ».

-       le signe de l’enchassement : lorsqu’une partie du pancréas paraît enchassée dans la lésion, avec possibles irrégularités de la surface de contact.

 

SEMIOLOGIE DES PRINCIPALES LESIONS KYSTIQUES(2; 3)

L’imagerie peut identifier certaines lésions kystiques de par la reconnaissance de certains aspects sémiologiques propres à certaines tumeurs kystiques, qui associés au contexte clinique et épidémiologique, sont très évocateurs de certaines formes. Il faut cependant rester prudent dans l’émission d’un diagnostic, en raison de nombreuses formes atypiques et de fréquentes zones de chevauchement sémiologiques.
L’analyse d’une lésion kystique pancréatique devra s’attacher à décrire :
      - la taille des formations liquidiennes en distinguant les micro-kystes (<2cm) des macro-kystes (>2cm)
      - le caractère uni ou multiloculaire de la lésion
      - la présence ou l’absence d’une dilatation du canal de Wirsung
      - l’aspect de la paroi kystique, la présence de cloisons et de calcifications
      - la présence d’éventuelles végétations ou de nodules tissulaires muraux au sein d’un kyste ou d’un canal pancréatique dilaté, qui sont des éléments faisant craindre une forme infiltrante et qui orienteront vers des examens complémentaires plus invasifs tels que l’écho-endoscopoe, la ponction guidée àl’aiguille fine ou la biopsie transpariétale.

Concernant les tumeurs épithéliales, l’imagerie essaiera de distinguer le cystadénome séreux, bénin, du cystadénome mucineux, bénin mais à potentiel malin.


  • Le cystadénome séreux (cf)

 

  • Les tumeurs kystiques revêtus d’un épithélium mucosécrétant

 o Le cystadénome mucineux (cf)

o Les TIPMP (tumeurs intracanalaires papillaires et mucineuses du pancréas) (cf)

 

  • La tumeur solide pseudo-papillaire

 

  • Les tumeurs kystiques rares du pancréas

 o Les tumeurs endocrines: formes rares des tumeurs endocrines du pancréas et en général non fonctionnelles. Elles sont souvent rencontrées dans un contexte de néoplasie endocrinienne multiple de type 1 (NEM-1) . L’imagerie est aspécifique, mais retrouve fréquemment une paroi hypervascularisée, rarement calcifiée. Dans un contexte de NEM-1 et en présence d’une tumeur fonctionnelle, le dosage de la chromogranine-A et une scintigraphie aux récepteurs à la somatostatine aideront au diagnostic différentiel avec les cystadénomes séreux et mucineux, ainsi qu’avec les tumeurs pseudo-papillaires, qui sont les principaux diagnostics différentiels.

o Le kyste dermoïde ou tératome: tumeur bénigne bien différenciée extrêmement rare qui présente les mêmes contingents tissulaires que dans les localisations plus classiques (ovariennes, rétropéritonéales ou médiastinales) : graisse, kératine, sécrétions sébécées calcifications, dents… L’imagerie n’est pas spécifique et devra discuter les autres diagnostics différentiels des tumeurs à contingent graisseux (lipome, liposarcome, myélolipome, kystes épidermoïdes et kystes lymphoépithéliaux qui sont plus fréquents). La TDM permet une meilleure caractérisation lésionnelle en mesurant les densités des différentes composantes intrakystiques. Le diagnostic pré-opératoire de certitude reste malgré tout difficile motivant une exérèse chirurgicale afin d’exclure toute malignité.

o Les tumeurs à cellules géantes: tumeurs du pancréas exocrine rarissimes, 2 types histologiques aux pronostics différents sont individualisés : l’adénocarcinome à cellule pléomorphe, dont le pronostic rejoint celui de l’adénocarcinome, et l’adénocarcinome à cellule ostéoclastique de moins mauvais pronostic. Ces volumineuses tumeurs hypervascularisées peuvent présenter un aspect pseudo-kystique du fait de fréquents remaniements centro-nécrotiques.

o Les adénocarcinomes mucineux kystiques (colloïdes): Variante de l’adénocarcinome ductal, de pronostic aussi sombre. L’aspect kystique à l’imagerie provient d’une importante production de mucine par la tumeur. Certaines formes peuvent s’accompagner de pseudo-myxomes péritonéaux et de calcifications.

o Les tumeurs vasculaires kystiques ou kystisées

  • Les lymphangiomes kystiques (cf)
  • L’hémangiopéricytome, à haut potentiel malin, peut se présenter sous forme solide ou kystisée.
  • Le schwannome pancréatique : tumeur rare de l’adulte, le plus souvent bénigne, devant être suspectée en cas de lésion kystique pancréatique chez un patient aux antécédents de maladie de von Recklinghausen. L’imagerie retrouve de manière non spécifique une tumeur bien circonscrite, généralement encapsulée, kystique dans 2/3 des cas.
  • Les métastases de cancer du rein, du poumon, du mélanome et du sein peuvent se présenter sous une forme pseudo-kystique.

o Le pancréatoblastome (cf)

 

 

  • Les lésions kystiques non tumorales du pancréas

 

       o Le kyste lympho-épithélial (cf)

o Le kyste hydatique(cf)

o Le kyste congénital: il s’agit d’un kyste unique rencontré chez l’enfant ou l’adulte jeune, résultant d’un trouble de développement des canaux pancréatiques, le plus souvent asymptomatique. L’aspect est celui d’un kyste simple typique : anéchogène avec renforcement postérieur à l’échographie, hypodense au scanner, homogène, à paroi fine sans réhaussement après injection de produit de contraste.

 o La polykystose pancréatique : les kystes congénitaux multiples se rencontrent essentiellement dans deux pathologies: la polykystose rénale, à transmission autosomique récessive, et la maladie de von Hippel-Lindau.

  • Dans la polykystose rénale, les kystes pancréatiques sont présents dans 5% des cas.
  • Dans la maladie de Von Hippel-Lindau, les kystes sont plus fréquents, observés dans 50 à 75% des cas, et peuvent s’associer à des tumeurs endocrines. Ils peuvent être la seule manifestation de la maladie ou précéder l’apparition d’autres lésions extra-pancréatiques (hémangioblastome rétinien ou cérébelleux, phéochromocytome, cancers du rein à cellules claires). Ce diagnostic doit donc être évoqué devant une polykystose pancréatique à priori isolée.

Le principal diagnostic différentiel est représenté par la tumeur intracanalaire papillaire et mucineuse du pancréas (TIPMP), où, contrairement à la polykystose pancréatique, il existe une communication des kystes avec le canal pancréatique principal.

 o La fibrose kystique du pancréas observée dans la mucoviscidose: Egalement dénommée « cystose » pancréatique, il s’agit du développement de multiples petits kystes épithéliaux, secondaires à l’obstruction des canaux pancréatiques. Le remplacement graisseux de la glande , les kystes et les calcifications sont des manifestations plus fréquentes.

 

 

ALGORITHME DECISIONNEL DE SURVEILLANCE(2; 3)

 

Toutes les revues de la littérature insistent sur les difficultés dans l’exactitude de caractérisation des lésions kystiques pancréatiques en raison de l’absence de spécificité absolue et de fréquentes similitudes morphologiques entre les différentes formes bénignes et malignes. La démarche diagnostique et la conduite à tenir concernant la prise en charge thérapeutique dépendent au cas par cas et doivent prendre en compte l’âge, le sexe, la taille de la lésion, la présence éventuelle d’une composante solide ou d’une dilatation du canal pancréatique, le caractère symptomatique ou non de la lésion.
L’objectif à l’issue du bilan d’imagerie consiste en effet à individualiser 2 types de lésions kystiques :

 

-       les lésions kystiques à faible risque de dégénérescence : il s’agit de lésions uniques, < 2cm, sans contingent solide ni dilatation canalaire, asymptomatiques et de découverte fortuite. Ces lésions doivent bénéficier d’une surveillance par imagerie après un bilan initial complet incluant la réalisation d’une échoendoscopie avec analyse des marqueurs biochimiques et tumoraux du liquide de ponction.

 

-       les lésions kystiques dont les caractères à l’imagerie font suspecter une dégénérescence ou une forme maligne d’emblée : diamètre > 2cm, contingent solide, végétations, dilatation canalaire, lésion symptomatique. Ces lésions justifient une résection chirurgicale.

 

Toute lésion kystique qui n’a pu être caractérisée par le TDM et/ou l’IRM doit faire l’objet d’une surveillance périodique par l’imagerie. Le doute persistant doit conduire à d’autres examens complémentaires plus invasifs si une prise en charge chirurgicale peut être envisagée chez le patient.
En pratique, si la CPRE est la technique la plus fiable pour démontrer le caractère communiquant d’une lésion kystique avec le canal pancréatique principal et si l’endoscopie montre l’écoulement de mucine d’une papille bombante « en oeil de poisson » dans les TIPMP, l’écho-endoscopie reste la méthode la plus intéressante. En plus de son apport sur le plan morphologique du fait de son excellente résolution (notamment en apportant des éléments sémiologiques de grande valeur pour le diagnostic et l’évaluation du potentiel malin des tumeurs mucineuses), elle permet d’améliorer la caractérisation lésionnelle grâce à l’analyse des marqueurs biochimiques et tumoraux du liquide de ponction. Le taux d’ACE intrakystique, marqueur le plus spécifique, oriente vers une lésion munineuse lorsqu’il est supérieur à 192ng/ml(4), avec un seuil prédictif de malignité > à 400ng/ml(5). Un taux d’ACE intra-kystique inférieur à 5 ng/ml serait spécifique de cystadénome séreux(6).


La découverte d’une lésion kystique chez un patient asymptomatique, sans critère de malignité et dont l’analyse du liquide de ponction sous échoendoscopie élimine un cystadénome mucineux (taux d’ACE <5 ng/ml) doit conduire à une surveillance par imagerie. La surveillance par IRM est préférable afin de limiter les risques de l’irradiation.

 

La découverte de petits kystes chez le patient âgé est fréquente, pouvant correspondre à de simples petits kystes épithéliaux sans potentiel de dégénérescence, comme l’on peut en trouver fortuitement dans d’autre organes (foie, reins,etc…)

 

Enfin l’intégration du contexte clinique est primordiale dans l’analyse d’une lésion kystique : la découverte fortuite d’un petit kyste céphalique < 2cm chez un patient âgé est banale et peut bénéficier d’emblée d’une surveillance si les résultats de l’analyse du liquide de ponction sont rassurants ; une volumineuse lésion kystique caudale chez une femme jeune sans antécédent de pancréatite peut quant à elle être réséquée sans échoendoscopie ni ponction préalable.

 

 

 

Références bibliographiques :

1.   Klöppel G, Longnecker DS, Capella C, Sobin LH. World Health Organisation International Histologic Classification of tumors 2. Histologic typing of tumor of the exocrine pancreas. Berlin: Springer-Verlag; 1996.

2.   Dupas B, Mosnier J-F, Le Borgne J. Lésions kystiques du pancréas. In: Imagerie de l’abdomen. Paris: Vilgrain V, Regent D.; 2010 p. 436-455.

3.   Régent D, Ropion-Michaux H, Fairise A, Gervaise A, Jausset F, Laurent V. Imagerie en coupe des tumeurs kystiques du pancréas. Feuillets de radiologie 2011 Elsevier Masson SAS;(51):173-191.

4.   Brugge WR, Lewandrowski K, Lee-Lewandrowski E, Centeno BA, Szydlo T, Regan S, del Castillo CF, Warshaw AL. Diagnosis of pancreatic cystic neoplasms: a report of the cooperative pancreatic cyst study. Gastroenterology 2004 mai;126(5):1330-1336.

5.   Sahani DV, Kadavigere R, Saokar A, Fernandez-del Castillo C, Brugge WR, Hahn PF. Cystic pancreatic lesions: a simple imaging-based classification system for guiding management. Radiographics 2005 déc;25(6):1471-1484.

6.   O’Toole D, Palazzo L, Hammel P, Ben Yaghlene L, Couvelard A, Felce-Dachez M, Fabre M, Dancour A, Aubert A, Sauvanet A, Maire F, Lévy P, Ruszniewski P. Macrocystic pancreatic cystadenoma: The role of EUS and cyst fluid analysis in distinguishing mucinous and serous lesions. Gastrointest. Endosc. 2004 juin;59(7):823-829.